De l’exclusion à la sous-représentation des femmes

Publié dans Le Monde Diplomatique
Les étudiantes sont majoritaires dans l’enseignement supérieur en France, mais restent sous-représentées dans les filières mathématiques, informatiques ou des sciences de l’ingénieur. Dans un monde toujours plus gouverné par les découvertes scientifiques et les changements technologiques, ce déséquilibre qui vient de loin n’est pas sans conséquence sur l’exercice de la citoyenneté.

En 2014, l’Iranienne Maryam Mirzakhani devenait la première femme à recevoir la médaille Fields, l’une des plus prestigieuses récompenses en mathématique créée… en 1936. De 1901 à 2020, parmi les plus de quatre cents récipiendaires des prix Nobel de chimie ou de physique, on ne compte que dix femmes. Pour une Marie Curie — primée dans ces deux disciplines —, combien de femmes oubliées ou reléguées au rôle d’assistante ? Qui se souvient d’Ada Augusta King, comtesse de Lovelace (1815-1852), fille du poète britannique lord Byron, première programmeuse de l’histoire sur la « machine analytique » (1), bien avant Alan Turing ? Quelle récompense, en son temps, pour la physicienne autrichienne Lise Meitner (1878-1968), théoricienne et codécouvreuse de la fission nucléaire (avec Otto Hahn et Fritz Strassmann) et qui refusa de travailler sur la bombe atomique ?

Le peu de femmes reconnues révèle moins un faible apport à la science qu’une invisibilisation et la captation du prestige par les hommes. En hommage à l’écrivaine américaine féministe et abolitionniste Matilda Joslyn Gage (1826-1998), l’historienne américaine Margaret Rossiter parle d’« effet Matilda (2) » pour désigner l’appropriation de travaux de nombreuses chercheuses par des hommes, ou la reconnaissance exclusive de ces derniers. Plus de trente ans après ses travaux, les femmes demeurent largement sous-représentées dans les sciences « dures » de par le monde.

Le peu de femmes reconnues révèle moins un faible apport à la science qu’une invisibilisation et la captation du prestige par les hommes

En France, les filles obtiennent de meilleurs résultats que les garçons dans le secondaire, y compris dans les matières scientifiques. Par la suite, elles réussissent mieux au baccalauréat et sont davantage diplômées de l’enseignement supérieur. Mais elles ne représentaient ces dernières années qu’un tiers des effectifs dans les classes préparatoires scientifiques aux grandes écoles, moins du quart des effectifs d’enseignants-chercheurs titulaires dans la filière universitaire en mathématique et informatique ou en physique, et à peine 19 % en sciences de l’ingénieur (3).

Des politiques récentes imposées au monde académique encouragent l’égalité professionnelle, avec l’instauration d’au moins 40 % de représentants de chaque sexe dans les comités de sélection pour les postes de maîtres de conférences et de professeurs des universités (loi Sauvadet, en 2012, et accord de novembre 2018 sur l’égalité dans la fonction publique). Plusieurs organisations de femmes scientifiques multiplient par ailleurs les actions pour promouvoir les chercheuses et encourager les jeunes filles à s’engager dans ces carrières.

 

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