En Grèce, la lente renaissance du parc de Dadiá, dévasté par un mégafeu

Publié dans Mediapart
À la fin de l’été 2023, un incendie a ravagé 60 % du parc national de Dadiá-Lefkími-Souflí, dans le nord-est de la Grèce. Cinq mois plus tard, les villageois doutent d’un avenir meilleur pour leur forêt et reprochent aux autorités leur incurie et leur opportunisme.

Les vautours tournoient au-dessus d’un paysage sombre, à l’extrémité orientale du massif des Rhodopes. Ils survolent des arbres noirs squelettiques. Ces ensembles de pins et de chênes calcinés forment de grands cratères bruns sur les collines aux nuances terre de Sienne, ce jour de janvier. La cendre a coloré les rivières qui coulent dans les vallées.

En septembre, deux grands feux ont ravagé 60 % du parc national de Dadiá-Lefkími-Souflí mais aussi ses alentours, dans le nord-est de la Grèce, au carrefour de la Turquie et de la Bulgarie. Vingt personnes sont mortes. Les petits villages ont été épargnés. Mais, au total, 90 000 hectares de champs, de prairies, de bois sont partis en fumée pendant dix-sept jours, dans ce que la Commission européenne a qualifié de « plus grand incendie jamais enregistré dans l’UE ». Une tragédie pour cette forêt unique, sanctuaire de biodiversité. À la croisée des routes migratoires des oiseaux, ce parc national abrite aussi l’une des plus grandes concentrations de rapaces d’Europe.

En haut d’un sommet isolé accessible par une route verglacée, Takis Pistolas contemple chaque jour cet écosystème détruit. L’éleveur retape son étable sous le regard de ses vaches limousines et de ses chiens qui traquent les loups autour de ses chèvres. Il en a aujourd’hui vingt-deux. Des ossements des soixante-dix-sept autres, qui ont péri dans les feux, jonchent encore l’herbe. « La municipalité [de Dadiá] m’avait demandé d’évacuer mes bêtes en quelques heures, mais comment aurais-je fait ? En les mettant sur mon dos ? », tacle-t-il, ironique, cinq mois plus tard.

À ce moment-là, les deux feux insatiables se rencontraient dans les montagnes. Le premier, dû à un coup de foudre près de la ville d’Alexandroupolis, était remonté vers les villages, poussé par le meltem, un vent venu de la mer Égée. Le second, né au cœur du parc national sans que sa cause puisse être établie, l’avait rejoint. Formant un rideau de flammes destructeur, ces incendies avaient fini par être guidés par leur seule voracité, avalant sur leur passage les pins et les chênes, arbres majoritaires de Dadiá. « Il y a toujours eu des feux dans cette partie de la Méditerranée, mais cette fois, pourquoi dix-sept jours ? », s’interroge Takis Pistolas face à la forêt abîmée.

Désormais, l’avenir de celle-ci est « incertain ». Les troncs des arbres sont noircis mais il faudra des années pour déterminer s’ils sont tous morts et envisager de reboiser. Malgré les apparences, certains ont pu survivre. « Maintenant, il faut attendre et laisser la nature faire son œuvre. Nous ne savons pas ce qu’elle nous réserve », philosophe Takis Pistolas.

Photos / Penelope Thomaidi

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