Comme chaque jour depuis son départ de Syrie, le 25 août, Hassan* pianote sur son smartphone, attablé dans un café d’Athènes. Il glane ici et là des informations sur la route des Balkans, lit les témoignages de ceux qui ont fait ce qu’il appelle le « dangereux trajet » à travers la Grèce, la Macédoine, la Serbie, la Hongrie, pour rejoindre l’Europe de l’Ouest. Ce jour-là, le 3 septembre, une image tourne en boucle sur son écran : celle du corps sans vie du petit Aylan Kurdi, échoué sur une plage près de Bodrum, en Turquie.
Le cliché de cet enfant syrien, mort dans un naufrage en tentant de rejoindre l’île grecque de Kos, a choqué l’Occident. Hassan aussi est révolté face à cette image. Comme Aylan Kurdi, il a foulé le sable des côtes turques pour rejoindre la Grèce. Mais il n’a pas compris le soudain emballement médiatique. Cette indignation, contre la guerre, contre la mort, contre l’exil, il l’a au corps depuis quatre ans. « Des photos comme celles-ci, il y en a malheureusement eu avant, il y en aura après, sur les plages ou ailleurs. Et cette photo ne changera rien à notre situation en Europe. » Il est pessimiste : « Avant la guerre, en 2011, nous étions 23 millions de Syriens. Quatre millions d’entre eux sont aujourd’hui partis. Ils ne reviendront pas, ce pays est fichu. »