Avec Nicolas Cheviron (Istanbul)
a Turquie qui accuse fin août Athènes de « piraterie » en tentant d’« armer » une île démilitarisée. La Grèce qui dénonce l’« agression » d’Ankara qui « viole ses droits souverains ». Le ton monte chaque jour entre les deux pays. Au cœur de l’actuelle discorde : la présence du navire turc de recherche sismique Oruc Reis depuis le 10 août dans la zone économique exclusive (ZEE) grecque, au large de la Crète.
Ces trois dernières semaines, la Grèce et la Turquie ont multiplié les démonstrations de force en Méditerranée orientale. Athènes a ainsi effectué le 26 août des manœuvres militaires aux côtés de la France, Chypre et l’Italie. Deux jours plus tard, la marine turque faisait savoir qu’elle conduirait des « exercices de tir » jusqu’au 11 septembre. Ankara a également annoncé le 1er septembre l’extension des recherches gazières de l’Oruc Reis jusqu’au 12 septembre.
La délimitation du plateau continental fait l’objet d’un conflit larvé entre la Grèce et la Turquie depuis les années 1970. La récente découverte de gisements dans la région a renforcé les revendications territoriales du président turc Recep Tayyip Erdogan. Une liste de nouvelles mesures restrictives contre la Turquie pourrait par ailleurs être discutée au cours du prochain sommet de l’UE, le 24 septembre.
L’armée grecque, mise en état d’alerte maximale, a « déployé (ses) forces », a annoncé le premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis, deux jours après la venue du navire Oruc Reis. « Le risque d’accident est élevé lorsque tant de ressources militaires sont rassemblées dans une zone si confinée », a-t-il alerté.
Le 31 août, une nouvelle étape a été franchie dans la querelle opposant les frères ennemis, la Turquie accusant la Grèce de vouloir « armer » Kastellorizo. Se référant à des photos de l’AFP montrant la venue de soldats grecs sur la petite île située à environ trois kilomètres des côtes turques, Ankara a dénoncé un acte contraire au traité de Paris de 1947 qui prévoit la démilitarisation des 12 îles du Dodécanèse – dont Kastellorizo. Les autorités grecques ont fait savoir qu’il s’agissait d’une simple rotation de militaires, sur les quelque 300 que compte déjà l’île.
Car « il n’y a pas de bases militaires sur les îles [le long de la frontière – ndlr] mais que des installations destinées à se défendre d’une éventuelle attaque turque, précise Georges Kaklikis, ancien diplomate et consultant à la Fondation hellénique pour l’Europe et la politique étrangère (Eliamep), à Athènes. La Turquie n’est pas partie contractante au traité de Paris qu’elle invoque. Par ailleurs, la Grèce ne peut renoncer à son droit naturel et légal de se défendre à un moment où la Turquie viole de manière flagrante la Charte des Nations unies », en pénétrant notamment dans les eaux de la Grèce.
L’occupation de la partie nord de Chypre par la Turquie depuis 1974 justifie la méfiance d’Athènes à l’égard des velléités d’expansion du pays voisin. Alors que la Grèce réclame le départ de l’armée turque, Ankara est seule à reconnaître la République turque de Chypre nord (RTCN).
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