Les eaux grecques de Kastellorizo convoitées par Erdogan

Publié dans Mediapart
À deux pas de la Turquie, l’île de Kastellorizo est au cœur de la crise qui oppose Athènes à Ankara. Les habitants, coutumiers des « provocations turques », se disent sereins. Mais, selon Athènes, les « menaces » du président turc sont croissantes.

La petite Kastellorizo fait face à l’imposante côte turque. Au pied d’une falaise, l’unique village de l’île grecque a pour seul horizon la ville turque de Kas, dont au loin, à trois kilomètres, les maisons se dessinent à flanc de colline.

Ce dimanche 6 septembre, la chaleur s’engouffre dans la profonde baie. Le quai est si étroit que la vieille voiture Rover du pope de l’île passe à peine entre les tavernes. Attablé sous une bâtisse néoclassique colorée, le quinquagénaire Stavros Amygdalos scrute une mer d’huile. « Le plateau continental de Kastellorizo restera grec », dit le maire adjoint du village qui compte 500 âmes l’été, 300 quand vient le froid de l’hiver.

Autour de lui, les amis, cousins et frères, tous sont unanimes devant leurs cafés froids. « Rien ne changera : l’île est grecque et ses eaux qui l’entourent aussi. » Sur ses hauteurs, trois drapeaux helléniques peints à la main par des militaires il y a plusieurs années rappellent l’identité de Kastellorizo.

Ici, tous savent que le président turc Recep Tayyip Erdogan veut redessiner les cartes des confins de l’Europe. Depuis les années 1970, la Turquie et la Grèce sont en profond désaccord sur la délimitation des frontières maritimes en Méditerranée orientale et en Égée, tracée après la Seconde Guerre mondiale.

Surnommé « le Sultan », Erdogan convoite le plateau continental de la minuscule Kastellorizo, 9 kilomètres carrés, très isolée du continent grec et à 120 kilomètres de Rhodes, l’île grecque la plus proche. La découverte il y a dix ans d’hydrocarbures au large de Kastellorizo a attisé l’appétit d’Ankara.

Pour Kastellorizo, la remise en question du statut est de taille. Il touche à sa souveraineté. Et Erdogan persiste dans ses revendications. Athènes va « comprendre que la Turquie est assez forte politiquement, économiquement, et militairement […] soit par le langage politique, soit sur le terrain à travers d’amères expériences », a averti Recep Tayyip Erdogan samedi 5 septembre. « La Turquie est désormais un pays qui a son mot à dire dans la région », a-t-il renchéri deux jours après selon les médias turcs. Ses propos sont commentés en boucle sur la chaîne grecque progouvernementale Skaï, diffusée dans l’un des deux supermarchés de Kastellorizo.

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