Samedi 31 octobre, une heure du matin. Le patrouilleur 101, de l’unité des gardes-côtes de Marmaris, dans le sud-ouest de la Turquie, file à fond de train sur une mer houleuse. Le commandement central, à Ankara, vient d’informer le personnel local de la présence d’embarcations de migrants en perdition au large de Kizilburun, une langue de terre turque inhabitée et inhospitalière proche de l’île grecque de Symi.
Après une petite heure de navigation, le puissant navire, qui peut pousser des pointes de vitesse à plus de 80 km/h, arrive sur les lieux. Les nouvelles sont bonnes : les migrants, répartis sur deux radeaux de sauvetage gonflables, sont parvenus à accoster sans dégâts sur des rochers. Un Zodiac part les récupérer, avec à son bord des agents en tenue antibactériologique, coronavirus oblige.
Transbordés sur le patrouilleur, les migrants sont installés sur le pont arrière, avec des couvertures et des plateaux-repas. Ils sont 18, des adultes à l’exception de deux enfants de trois et quatre ans, et de deux ados d’une quinzaine d’années. Des Syriens, hormis une famille palestinienne. Épuisés, apeurés, mais sains et saufs. « On a de la chance : d’habitude on récupère aussi des cadavres », commente un marin turc.
Les gardes-côtes embarquent aussi les radeaux gonflables orange fluo des migrants, dont ils pointent la marque : Lalizas, une entreprise grecque, basée au port du Pirée. Pour eux, cela ne fait pas de doute, il s’agit une fois encore d’un « pushback », d’un refoulement vers les eaux turques organisé par leurs homologues grecs. « Ils sont là, pas très loin, en train de nous observer. Notre radar a identifié un de leurs bateaux près d’ici », affirme un officier.