En Albanie, 170 000 bunkers en héritage

Publié dans Mediapart
Ce sont des monstres échoués sur les plages, des amas de béton enracinés au cœur des champs. Quelque 170 000 blockhaus parsèment l’Albanie, soit aujourd’hui près d’un pour seize habitants.

Dans les entrailles de l’impressionnant « Bunker 1 », l’abri antinucléaire d’Enver Hoxha : Immense et construit dans le plus grand secret entre 1972 et 1978, ce bunker aujourd’hui appelé « Bunker 1 » est l’une de ces structures érigées en vue de protéger l’élite albanaise en cas d’attaque nucléaire. Niché au nord-ouest de la capitale Tirana, il symbolise à lui seul la paranoïa du dictateur Enver Hoxha (1908-1985). Construit à 100 mètres sous la montagne, l’édifice comporte cinq niveaux et 106 chambres. Enver Hoxha aurait eu l’idée de cette construction à l’issue d’une visite en Corée du Nord, en 1964.

Aujourd’hui, l’endroit est devenu un musée fréquenté par les touristes étrangers. Les longs couloirs angoissants sont toujours dotés de vieilles boîtes à oxygène, prévues en cas d’attaque chimique. Les chambres auxquelles ils mènent ont été réaménagées par des artistes pour raconter l’histoire contemporaine de l’Albanie, de l’annexion italienne en 1939 à la mise en place de la dictature communiste d’Enver Hoxha en 1945. D’abord pro-staline, puis maoïste, l’Albanie s’est, sous son pouvoir, progressivement isolée du monde socialiste. Sur les murs du Bunker 1 s’affichent les chiffres de la dictature : 13 692 personnes ont fui le pays, officiellement 988 sont morts en tentant de s’en échapper. Quelque 34 000 personnes ont été détenues dans des camps de travail forcé ou des villages d’internement, même si ce chiffre est partiel, selon l’historienne Enriketa Papa. 5 587 personnes ont été exécutées, dont de nombreux opposants politiques et représentants religieux (selon les données affichées dans le Bunker 2, au centre-ville de Tirana). En 1967, le dictateur Enver Hoxha a en effet proclamé l’Albanie « premier État athée du monde », détruisant les édifices religieux à travers le pays.

  • Peinture de gauche : Carte abimée du « pays des aigles », dans l’une des chambres du Bunker 1.
  • Peinture de droite : L’un des couloirs menant aux chambres sans fenêtre du Bunker 1.

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