Au milieu de la Baltique, Gotland, une île suédoise entre guerre et paix

Publié dans Mediapart
Aux yeux de l’Otan, Gotland, une île suédoise touristique, est surtout un site stratégique, vu comme un avant-poste face à l’enclave russe de Kaliningrad. Une partie de ses habitants s’inquiète de la militarisation croissante et craint l’arrivée d’armes nucléaires sur son sol.

Un soleil pâle éclaire l’herbe qui jonche les sols des églises sans toit. Les touristes foulent ces dizaines de ruines médiévales à l’abandon depuis le XVIe siècle, qui se dressent, insubmersibles, entre les maisons moyenâgeuses de Visby, chef-lieu de l’île suédoise de Gotland. En ce jour férié de mai, la musique pop des restaurants bondés résonne entre les vieilles pierres.

D’autres visiteurs et visiteuses affluent encore dans les rues pavées, recraché·es par l’un des énormes ferries quotidiens de 1 600 places, après trois heures de voyage depuis Stockholm. « Notre patrimoine est très préservé des guerres contemporaines, nous n’avons pas été attaqués, et nous n’avons jamais pris part à aucun conflit récent », vante Meit Folhin, maire de cette île de 61 000 habitant·es.

La Suède est restée militairement non alignée pendant deux siècles, à l’écart des deux guerres mondiales et du clivage Est-Ouest pendant la guerre froide. Séduit·es par Visby, les touristes immortalisent, smartphone en main, ses remparts de 11 mètres de haut, qui la protégeaient des intrusions d’étrangers venus de la Baltique au XIIIe siècle.

L’île de 3 000 km2 est en effet isolée au cœur de cette mer intérieure : des dizaines ou des centaines de kilomètres d’eaux saumâtres la séparent des côtes des huit États, autres que la Suède, qui la bordent (Finlande, Russie, Pologne, Estonie, Lituanie, Lettonie, Allemagne et Danemark).

Dans une forêt épaisse à quelques kilomètres de Visby, l’atmosphère est loin d’être aussi insouciante. Des bruits de balles à blanc suivis d’aboiements résonnent entre les pins. Une vingtaine d’habitants, volontaires du bataillon Gotland Home Guard, vêtus de treillis à écussons représentant un bélier, animal emblématique de l’île, entraînent leurs chiens domestiques.

L’un des objectifs est de développer leur flair pour qu’ils pistent l’éventuel ennemi qui s’aventurerait dans les plaines de l’île. Ici et là, un labrador, un berger allemand se prélassent, moins impliqués que leurs maîtres, à l’écoute des deux officiers de l’armée suédoise qui les encadrent. Tous ici redoutent d’éventuelles incursions, contre lesquelles les fortifications historiques de l’île ne pourraient rien.

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