Ils s’appellent Maël, Aliyah, Morgane, Anaïs, Caro… Ces Nantais mènent un « combat pour lui », comme ils le martèlent, les yeux rouges de tristesse. Leur arme : leur voix, leur jeune énergie pour crier haut et fort : « Où est Steve ? » Ils préféreraient l’ombre mais s’expriment sans relâche pour mettre en lumière leur ami Steve Maia Caniço, 24 ans, disparu depuis le 22 juin.
Le 20 juillet, les proches du jeune animateur périscolaire ont de nouveau appelé à un rassemblement à 15 h 30 sur le quai Wilson à Nantes, où Steve avait été aperçu pour la dernière fois avant les tirs de LBD, lacrymogènes et grenades de désencerclement qui avaient mis fin à la fête de la Musique.
L’enrochement qui borde la route, où s’étaient alignés cette nuit-là les policiers pour charger, s’est transformé ce samedi en tribune. Un à un, les amis de Steve se sont emparés du haut-parleur, hésitants ou déterminés devant les quelque mille personnes face à eux. Des jeunes, des parents, des enfants, des amateurs, comme Steve, de free parties… Venant de Nantes ou d’ailleurs, arborant avec indignation des tracts et tee-shirts estampillés « Où est Steve ? ». Aucun gilet jaune est exhibé dans le public (même si certains participants du mouvement sont présents) : « Depuis le début, on refuse que les rassemblements soient récupérés, ils sont pour Steve seulement », précise un organisateur.
La tristesse des premiers jours s’est muée en colère pour les proches du jeune homme. Face au quasi-silence « des policiers, du gouvernement, du préfet [de Loire-Atlantique] », disent-ils. Leurs discours écrits dans la souffrance traduisaient l’amertume.
D’abord celui d’Aliyah, voix assurée et cheveux dans le vent sous le ciel lourd : « Nous attendons des réponses, que justice soit faite. L’absence de Steve est le résultat de trop de violences […]. Je pose cette question aux élus, où est Steve ? » Puis la parole de Maël, ému et tremblant, s’adressant directement à lui : « Sache que la police fait tout pour t’oublier, mais on sait que ce sera un combat dur à mener. Steve, on t’aime. »
Ensuite les mots d’Anaïs, regard voilé sous sa longue mèche : « Je veux rappeler les trois articles de déontologie des policiers », insiste-t-elle sous les huées de la foule. « Où est Steve ? », s’égosille-t-elle sur le quai sans habitations. « Plus de justice », « Police partout, justice nulle part », scandent les centaines de participants.
Sous le crachin, ils se sont alignés sur le bord de la Loire basse et boueuse. Des affichettes « Où est Steve » ondulent, accrochées à des garde-corps, absents il y a un mois lors de la fête de la Musique. Le long des barrières, ils ont formé une chaîne humaine, avant d’effectuer une minute de silence.
Quelques heures plus tôt, après s’être tu pendant un mois, Emmanuel Macron s’est rapidement exprimé face à la presse, interpellé sur le Tour de France, dans les Hautes-Pyrénées. « Je suis moi aussi très préoccupé par cette situation, il faut que l’enquête soit conduite jusqu’à son terme et que la transparence soit faite […]. Mais je remets aussi les choses en perspective », a-t-il indiqué sans plus de précisions.
« J’espère que cela résonne dans sa tête, qu’il nous entend, qu’il nous écoute enfin pour qu’il comprenne que l’on n’est pas une bande de sauvages, qu’on ne voulait pas ça », défend Anaïs, 24 ans, l’amie de Steve sur les quais de Nantes. Elle cherche ses mots, dit calmement avoir été « choquée par ce mépris » du gouvernement.
« C’est de la fausse compassion, renchérit Valentin. S’ils commencent à en parler, c’est parce que nous avons fait des actions. » Et de rappeler la marche en musique, organisée une semaine après sa disparition, puis ce mot-clé qu’ils veulent diffuser toujours plus – « #OùEstSteve », repris sur les réseaux sociaux et maintenant des élus de différents bords.