C’est une pâle bâtisse à encorbellement et aux volets fermés. Dans sa cour intérieure aux arbres centenaires, un air de piano et de flûte couvre les bourdonnements des moteurs alentour. Nichée entre des immeubles à la peinture défraîchie, la maison natale de Mustafa Kemal Atatürk, fondateur de la République turque, est une escale paisible dans l’effervescente Thessalonique, ville du nord-est de la Grèce. Un lieu de pèlerinage aussi pour les nombreux touristes turcs qui découvrent l’ancienne métropole de l’Empire ottoman devenue grecque en 1912.
A quelques centaines de mètres, la vingtaine de clients assis dans l’un des seuls restaurants turcs de la cité portuaire ne s’approche pourtant jamais de cette « zone rouge », comme ils la surnomment. Loin d’être un lieu de rassemblement pour cette petite communauté, la paisible demeure représente un danger. Elle s’élève dans l’enceinte du « très influent », disent-ils, consulat de Turquie. Soit « les yeux et oreilles » de Recep Tayyip Erdogan. Ils pensent savoir que le bureau recrute des « partisans » du Parti de la justice et du développement (AKP), le parti islamoconservateur du président turc, dans les villages de Thrace égéenne. « Même en Grèce, le régime cherche à nous surveiller », croient certains.
Etiqueté comme « terroriste »
C’est cette aspiration qui l’avait poussé, en décembre, à traverser clandestinement l’Evros, dans le nord-ouest de la Turquie. La plupart des réfugiés turcs entrent en Grèce en franchissant ce fleuve boueux au lit qui serpente et délimite la frontière. Abdullah Yildirim* a le front perlé de sueur au souvenir de son périple nocturne, il y a sept mois.
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