Le vent glacial fouette leurs visages inquiets, ce vendredi midi. Dans la zone industrielle des Dunes, l’Éthiopien Abebe, le Somalien Jo et le Camerounais Eupui racontent qu’ils « n’avaient jamais vu des scènes aussi violentes », durant leurs longs mois d’errance à Calais. La veille, vers 17 h 30, sur un terrain vague boueux entouré d’usines fumantes, ces migrants ont vu surgir des dizaines de silhouettes en furie.
« Tout s’est passé très vite, nous avons vu des Érythréens que nous n’avions jamais aperçus. Ils avaient des bâtons, ils pourchassaient une vingtaine d’Afghans et voulaient les frapper, résume Abebe en français, d’un ton calme. Nous avons voulu les protéger, la violence ne sert à rien… Ils ont essayé de nous frapper aussi. » En moins de dix minutes, selon les trois hommes, les CRS ont déboulé à leur tour, sirènes hurlantes, gyrophares bleus sous le ciel gris.
Les courses-poursuites entre forces de l’ordre et migrants armés de bâtons ont commencé entre les pavillons voisins de la route de Gravelines. Elles se sont étendues dans les champs alentour, sous les regards angoissés de certains riverains du secteur. « Notre groupe dort ici, dans ce bosquet », déplore l’exilé Abede, montrant les couvertures de survie et les déchets entre les arbres morts de la zone industrielle des Dunes. « Maintenant, nous avons peur, résume-t-il. Nous réfléchissons à des façons de nous protéger. Cette nuit, nous n’avons pas dormi, deux d’entre nous faisaient le guet en permanence. Maintenant nous savons que certains ont des armes à feu et nous non… »
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