A Hendaye, la main basque derrière l’anti-G7

Publié dans Mediapart
Le contre-sommet altermondialiste qui se tient à Hendaye et Urrugne, en France, et à Irun, en Espagne, rassemble près de 80 organisations aux positionnements politiques divers. Elles sont réunies au sein de deux plateformes : Alternatives G7, nationale, et G7 EZ, basque. Cette dernière a beaucoup pesé dans l’organisation de ce rassemblement sur des terres « propices », selon elle, aux mouvements alternatifs.

Les cinq camions de gendarmerie coupent la route déviée, filent dans les artères désertes longées par les agences bancaires barricadées. Ils roulent près de la gare d’Hendaye où un train venu du nord vient de recracher ses derniers voyageurs avant la frontière espagnole. Un rare groupe de touristes asiatiques hébétés, qui n’a probablement jamais vu autant de regards policiers braqués sur lui. « Papiers s’il vous plaît », tout le monde y passe.

Les hommes en noir stoppent leur course entre les façades blanches d’une rue centrale, rejoignent d’autres agents à pied, casques en main. « Manifestation ! Ils sont en train de déjeuner sur le port », informe d’un ton grave un policier, scratchant son gilet pare-balles dans la rue silencieuse. Ils restent postés, là. Le regroupement est en contrebas. Des voix émanent de la petite place dite « rebelle » du port de Caneta, face à la Bidassoa sur laquelle flottent des bateaux blancs.

Les centaines de « protestataires » sont là, des jeunes adultes ou plus âgés, parfois des enfants détendus sur les pelouses ou tables en bois, entre deux airs de musique basque, deux bouchées de riz ou deux gorgées de bière. Comme Evane, piercing fluo au menton, lunettes aux reflets bleus et style vestimentaire gothique, venue de Bordeaux, « pour faire la fête à Macron ».

Galilée, étudiant parisien de 18 ans chevelu, a écrit son propre slogan sur son gilet jaune, « jeune et insouciant, mais pas jeune con ». Il en est sûr : son « déguisement de scout – spécialement confectionné pour venir à Hendaye – lui a évité les contrôles policiers à bord du train ». Du haut de sa villa ornée de palmiers, un propriétaire en chemise blanche surplombe tout ce petit monde. Celui de l’anti-G7 qui a investi la ville d’Hendaye, encadré par des centaines de forces de l’ordre en alerte au moindre de ses gestes. Ce jeudi midi, tous ces manifestants sont venus en groupe, d’un seul bloc. Le mouvement de foule dans un centre-ville figé a suscité l’affolement des policiers.Ils sont pour l’heure 2 000 participants venus de France et d’Europe, d’après les organisateurs. Disséminés dans les différents points de rencontre du contre-sommet altermondialiste, ils veulent réagir au G7 de Biarritz, qui réunira samedi 24 et dimanche 25 août l’élite planétaire « capitaliste et pyromane », disent-ils. L’anti-G7 est l’initiative de 80 associations réunies au sein de deux plateformes : l’Alternative G7, nationale, qui réunit des associations comme Attac, CADTM, Oxfam, CRID, etc., et G7 EZ, qui rassemble des acteurs locaux, à l’image de LAB (un syndicat), Eh Bai (une coalition politique), Bizi (une association écologiste)… Soit, au total, une cinquantaine d’organisations basques.

À la tombée de la nuit, les participants altermondialistes se réunissent aux AG pour préparer les manifs de samedi et dimanche, « temps forts de désobéissance civile », clame-t-on ici. Dans la journée, écrasés sous la chaleur, ils déambulent dans les artères de Hendaye et Irun pour rejoindre les stands, les ateliers et les conférences mises en place par les organisateurs. Des dizaines de thèmes : « Ripostons à l’autoritarisme international », « Échanges entre les nations sans États », « Comprendre les luttes kurdes », côté français et espagnol.

Là-bas aussi, on repère partout les policiers voisins, juste après le pont frontalier qui surplombe la Bidassoa. Mêlés aux quelques touristes encore présents qui remplissent des valises de charcuteries, de cava, de cigarettes achetées dans les distributeurs aux airs de machines à sous, des centaines de forces espagnoles et de la « ertzaintza » (la police du gouvernement basque) guettent les manifestants aux airs de festivaliers, identifiables à leurs bracelets G7 EZ, qui signifie « non » au G7 en basque, et leurs gobelets plastique à l’inscription « Kalera » (« dans la rue »).

Car en terre basque, les organisateurs ont eu beau traduire tous les programmes en français, espagnol, euskara, c’est sans nul doute la dernière langue qui domine. Les banderoles flottent, beaucoup de visiteurs n’y comprennent rien : « Atltsasukoak askatu » (pour la libération de jeunes du village d’Altsasu en Navarre) ; « 2019, Kapitalismaoren Jukutriak » (« 2019, arrachage du capitalisme »). « Ce sommet est clairement l’initiative des Basques, ils se sont d’abord rassemblés entre eux en 2018 dans le G7 EZ. Ils sont majoritaires dans l’encadrement. Alors que l’État nous a donné les terrains au tout dernier moment pour les conférences et le logement, ce sont eux qui ont pris la main sur la communication, la logistique, etc. », raconte Sébastien Bailleul, de la plateforme Alternative G7, qui s’est alliée aux Basques en 2019.

Les organisateurs affichent cette hétérogénéité : « Nous assumons de n’être pas toujours d’accord. Mais nous sommes fiers d’être d’accord sur l’essentiel. »

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