A Nantes, recueillement pour Steve et marche de colère contre les violences policières

Publié dans Mediapart
Deux rassemblements se sont tenus samedi 3 août à Nantes, en hommage à Steve Maia Caniço et contre les violences policières. La seconde marche, très encadrée, a donné lieu à des heurts et une quarantaine d’interpellations.

Près d’un millier de personnes, des familles nantaises, de jeunes adultes, des retraités calmes, scrutant en silence l’accrochage d’une banderole « Où est la justice pour Steve ? » sur l’imposante grue Titan jaune, le long de la Loire à 11 heures. Des colonnes de fumée noire se mêlant au nuage blanc des lacrymogènes devant le colossal château des Ducs de Bretagne à 15 heures. Lionel et Véronique auront surtout vu ces deux images ce samedi de manifestations à Nantes.

Le couple de parents a fait près d’une heure de route ce 3 août, dans le trafic estival, pour venir « rendre hommage à Steve et dénoncer les violences policières ». Deux rassemblements avaient été appelés par divers groupes à 11 heures et 13 heures à la suite de la découverte du corps de Steve Maia Caniço, repêché lundi dans la Loire. Les appels relayaient sur les réseaux sociaux ces mots d’ordre : « Tous à Nantes pour Steve », « Ni oubli ni pardon », « Nous demandons des réponses ».

Sa famille avait fait savoir via son avocate qu’elle ne tolérait « qu’un soutien amical, artistique et pacifique » et ne se rendrait pas aux marches. Steve a disparu le 22 juin, alors que la police menait une dangereuse charge sur le quai Wilson, qui a entraîné la chute d’une dizaine de personnes dans le fleuve. Mardi dernier, le premier ministre, citant l’enquête administrative de l’IGPN, a assuré qu’il n’y avait « aucun lien établi » entre la chute de Steve et l’intervention policière le soir de la fête de la musique pour éteindre des sound systems.

Parmi les milliers de personnes qui ont défilé sous le soleil à Nantes, personne ne croit à cette version. « Nous ne pouvions pas rester chez nous cette fois, c’est trop grave », explique Lionel, cheveux tirés en arrière, détendu en short et espadrilles dans le cortège, « il fallait être là pour dénoncer les violences policières, ce n’était plus possible ». Bien sûr, ils avaient entendu les annonces du préfet de Loire-Atlantique, Claude d’Harcourt, la veille.

« Je peux vous dire que nous aurons les moyens de faire face à ces fauteurs de trouble. Le ministère de l’intérieur nous a donné ce dont nous avons besoin », avait lancé le préfet, sans autre détail, insistant sur l’important dispositif de gendarmes et de policiers en place, notamment pour le second rassemblement dans le centre de la ville ligérienne. Au moins trois compagnies de CRS et trois escadrons de gendarmes mobiles, selon une source policière locale.

L’arrêté préfectoral interdisait la quasi-totalité du centre-ville aux manifestants : seul un trajet en épingle accessible, délimité du boulevard des Cinquante-Otages à l’allée d’Orléans, Duquesne, d’Erdre… le tout cerné par des forces de l’ordre. Une « souricière », dit le couple habitué des rassemblements pour l’écologie. Une présence policière intense qui ne les a toutefois pas dissuadés, au contraire. « Plus ils annonçaient des renforts, plus on trouvait que c’était important de venir. Les autorités le font exprès, ils jouent sur la peur », résume calmement Véronique, derrière ses fines lunettes. « Le but, c’est de participer mais de ne pas se mettre en danger. Tenir le plus longtemps avant qu’ils chargent pour pouvoir s’exprimer, jouer notre droit à manifester », poursuit cette mère de familleAu-dessus de sa tête, le ronronnement de l’hélicoptère bas couvre sa voix.

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