Mohammed Sherif, sa sœur et ses trois neveux se sont habitués au bruit des voitures qui résonne dans leur chambre exiguë. Mais bientôt ces Syriens devront quitter cet immeuble situé aux abords d’un boulevard athénien où s’alignent hauts édifices sans charme, sièges d’entreprises et tours de verre.
Lorsque le confinement a paralysé la Grèce mi-mars, la famille, originaire de Deir ez-Zor, s’est en effet vu notifier « soudainement, par courrier », son expulsion d’ici fin juillet du logement social qu’elle occupe. « Nous n’avons pas d’argent. Nous allons probablement acheter une tente à 15 euros et la planter dans le coin », lâche, amer, l’homme de 27 ans.
Comme eux, ils sont près de 11 000 réfugiés pourvus du droit de séjour en Grèce à devoir libérer les appartements financés par la Commission européenne et gérés par le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR). Les hébergements seront attribués à des demandeurs d’asile bloqués dans la trentaine de camps de migrants du pays.
Le système d’asile grec est congestionné. Premier pays d’entrée pour ceux qui veulent rejoindre l’Europe, la Grèce doit gérer 120 000 demandes d’asile et les migrants restent coincés dans des camps parfois surpeuplés, le temps que leur requête soit traitée.
Car les hébergements sociaux qui pourraient désengorger les structures manquent. Le gouvernement conservateur de Kyriakos Mitsotakis pense avoir trouvé la solution : réduire la durée de passage dans ces lieux, à un mois au lieu de six auparavant. Les organisations de défense des migrants dénoncent, elles, une mesure « dangereuse ».
Une bonne partie de ces réfugiés, souvent vulnérables et atteints de pathologies, y restaient des mois, parfois des années. Comme la famille Sherif, qui y a passé deux ans et demi. La sœur de Mohammed, aveugle, est totalement dépendante de lui. Ils risquent de se retrouver à la rue, alerte Alkima Alushi, travailleuse sociale chez Arsis, qui octroie les hébergements sociaux, en coordination avec le HCR. D’autant plus qu’« aucun particulier grec ne veut louer son logement à des migrants », précise-t-elle.
Alkima Alushi a essuyé 60 refus de propriétaires lorsqu’elle a tenté de reloger ces familles. « C’est illégal mais personne ne peut rien dire. Les propriétaires disent qu’ils n’ont pas assez d’argent, alors qu’ils ont des aides d’État [souvent des allocations pour des pathologies ou pour vulnérabilité – ndlr] », insiste-t-elle.
Le gouvernement les renvoie vers le nouveau programme baptisé « Helios » (« soleil » en grec), géré par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Mais il ne compte que 3 500 places disponibles.
« Nous sommes isolés. On ne nous pousse pas à apprendre le grec, on ne nous aide pas à chercher un emploi, comme c’est le cas en Allemagne », estime le Syrien Mohammed Sherif, qui n’aspire qu’à se rendre dans ce pays, « où il y a du travail dans les usines ». L’ancien étudiant en droit n’a travaillé que quatre mois depuis son arrivée en 2018 comme jardinier.
...