Plongée chez les néonazis de l’Aube dorée

Publié dans VSD
Aube dorée, un parti d'extrême droite, est entré au parlement en juin. Alors que ses partisans multiplient les violences xénophobes, quatre de ses députés viennent d'être privés de leur immunité.

Des centaines de drapeaux aux couleurs de la Grèce flottent passage des Thermopyles, dans le centre du pays. « Aima, timi, Chryssi avgui (Sang, honneur, Aube dorée) ! » répètent avec ferveur des partisans en uniforme noir ou treillis militaire, le poing levé. Ce dernier weekend d’août, dans ce lieu symbolique, théâtre de batailles dans l’Antiquité, ces Grecs rendent hommage aux Spartiates, qui luttèrent vaillamment contre les Perses en 480 avant J.-C. Ils sont près de huit cents, venus de tout le pays, pour cette commémoration organisée par le parti ultra nationaliste Aube dorée (Chryssi avgui). Rassemblés autour de la statue de bronze de Léonidas (le roi de Sparte, mort en héros aux Thermopyles), des hommes et des femmes dont, surtout, beaucoup de jeunes. Cette foule mixte reflète l’ascension d’Aube dorée, devenu récemment le troisième parti de Grèce. Parmi les adeptes des Thermopyles, Kyriakos, 19 ans, revenu d’Allemagne, où réside sa famille. « Ici, confie-t-il, je suis dans une patrie où je me sens à l’aise. Aube dorée est le seul parti qui défend notre nation, nos racines. Les autres nous trahissent. » Les ténors du parti prononcent des discours passionnés, multipliant les références aux traditions et aux héros mythiques du pays. Alignés, le regard figé, plusieurs d’entre eux font brûler des torches et entonnent l’hymne de la République hellénique. Des fumigènes assombrissent la scène nocturne. Crescendo, la Chevauchée des Walkyries de Wagner achève le show. Drapeaux, symboles, chants traditionnels… Cette démonstration vante « une Grèce aux Grecs », son propre slogan. À l’origine, Aube dorée est une revue fondée dans les années quatre-vingt par le mathématicien Nikos Michaloliakos. En 1993, le parti politique est reconnu et récolte, pendant une longue période, des scores dérisoires. Il se révèle sur la scène politique aux élections municipales d’Athènes en 2009 (5 % des voix), puis le 17 juin dernier, aux élections parlementaires, avec 7 % des voix. Un score inédit qui permet à dix-huit députés du parti d’extrême droite d’entrer au Parlement. « L’heure est venue d’avoir peur », déclare alors Nikos Michaloliakos. Depuis, sa formation progresse, fédérant « des Grecs de tout le pays, des villes à forte immigration et, surtout, beaucoup de jeunes », selon le chercheur spécialisé sur l’extrême droite, Giorgos Tzogopoulos. D’après To Vima, un journal grec, un policier sur deux a également voté Aube dorée aux dernières élections législatives. Désormais, le parti récolterait 14 % des intentions de vote, selon un sondage. « Les gens qui ont voté pour nous l’ont fait par désespoir, protestation, indignation, justifie Stathis Boucouras, député de Corinthe. Les politiques lamentables du Pasok et de Nouvelle Démocratie [partis de gauche et de droite au pouvoir ces dernières années, NDLR] ont fait notre succès. » Un vote étroitement lié à la situation économique. « Seule la fin de la crise pourra faire chuter Aube dorée », estime Giorgos Tzogopoulos. Le parti qui revendique l’héritage du régime des colonels grecs se dit nationaliste. Malgré des similitudes entre son emblème et la croix gammée, il refuse l’étiquette néonazie. Stathis Boucouras, député de Corinthe, assure : « Aube dorée est nationaliste avant tout et veut protéger sa patrie. » Le leader du parti s’est toutefois déjà fait remarquer en faisant le salut nazi en plein conseil municipal. Cette forte revendication nationaliste répond à une « menace d’invasion », assure Dimitra*, une adhérente du parti dans la banlieue d’Athènes. La Grèce compterait près de 1 million de migrants sans papiers. En plein marasme économique, cela attise les foudres d’Aube dorée. Pour Eva Cossé, de Human Rights Watch, « des politiques de migration mal gérées et la crise ont changé la démographie d’Athènes. Des partis comme Chryssi avgui ont gagné en force avec leur exploitation des sentiments anti migrants. » Aube dorée souhaite l’expulsion des immigrés sans papiers et une surveillance renforcée aux frontières grecques (avec forces spéciales de l’armée et mise en place de mines antipersonnel). « Dans vingt ans, nous serons minoritaires, le peuple grec risque de disparaître, s’indigne la trentenaire Dimitra. Les migrants essaient de nous conquérir et de nous détruire. Je ne comprends pas ce besoin de “se mélanger”, d’anéantir les cultures. » Au Parlement, la députée Eleni Zaroulia a récemment qualifié les immigrés de « soushommes qui ont envahi notre patrie, avec toutes les maladies qu’ils trimbalent ». Injures et violences xénophobes se multiplient. Les membres du parti enchaînent les initiatives publiques, comme les distributions de nourriture réservées aux nationaux. « Cet été, ils étaient là lors d’incendies dans le Péloponnèse, se souvient une habitante de Corinthe, avant de nuancer : ce n’est pas eux qui éteignaient le feu, ils faisaient juste acte de présence ! » Comme beaucoup, cette Corinthienne s’inquiète de cette poussée extrémiste : « C’est dangereux. Au début, ils n’aiment pas les Pakistanais, les communistes, les gens de Syriza [coalition de la gauche radicale], mais ensuite ce sera nous, parce qu’on n’adhère pas à leurs idées. » Pour de nombreux observateurs, Aube dorée veut remplacer « l’État en faillite et fait ses propres lois ». Selon Giorgos Tzogopoulos, « cet antiétatisme fait son succès ». Face au phénomène, le gouvernement grec vient de lever l’immunité de trois de leurs députés. L’un d’eux, Ilias Kasidiaris, est inculpé de complicité dans un vol à main armée commis en 2007. Les deux autres, Panayiotis Iliopoulos et Georges Germanis, sont poursuivis à la suite de violences qu’ils auraient exercées contre des vendeurs de rue. Ils sont accusés d’avoir saccagé, début septembre, des étals d’immigrés après avoir contrôlé leur permis de séjour. Dans une vidéo diffusée sur Internet, un autre député – Konstantinos Barbarousis, depuis lui aussi privé de son immunité – s’était affiché au côté de gros bras en chemise noire détruisant des stands sur un marché.

Photos / Stefania Mizara

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