Thessalonique, le refuge grec des exilés turcs

Publié dans M - Le Monde magazine
Accusés d’avoir pris part au coup d’Etat manqué de 2016, Kurdes ou militants de gauche, ils ont fui le régime d’Erdogan. Ces Turcs ont trouvé un accueil favorable dans le nord de la Grèce, pays qu’ils avaient appris à haïr.

C’est une pâle bâtisse à encorbellement et aux volets fermés. Dans sa cour intérieure aux arbres centenaires, un air de piano et de flûte couvre les bourdonnements des moteurs alentour. Nichée entre des immeubles à la peinture défraîchie, la maison natale de Mustafa Kemal Atatürk, fondateur de la République turque, est une escale paisible dans l’effervescente Thessalonique, ville du nord-est de la Grèce. Un lieu de pèlerinage aussi pour les nombreux touristes turcs qui découvrent l’ancienne métropole de l’Empire ottoman devenue grecque en 1912.

A quelques centaines de mètres, la vingtaine de clients assis dans l’un des seuls restaurants turcs de la cité portuaire ne s’approche pourtant jamais de cette « zone rouge », comme ils la surnomment. Loin d’être un lieu de rassemblement pour cette petite communauté, la paisible demeure représente un danger. Elle s’élève dans l’enceinte du « très influent », disent-ils, consulat de Turquie. Soit « les yeux et oreilles » de Recep Tayyip Erdogan. Ils pensent savoir que le bureau recrute des « partisans » du Parti de la justice et du développement (AKP), le parti islamoconservateur du président turc, dans les villages de Thrace égéenne. « Même en Grèce, le régime cherche à nous surveiller », croient certains.

Etiqueté comme « terroriste »

C’est cette aspiration qui l’avait poussé, en décembre, à traverser clandestinement l’Evros, dans le nord-ouest de la Turquie. La plupart des réfugiés turcs entrent en Grèce en franchissant ce fleuve boueux au lit qui serpente et délimite la frontière. Abdullah Yildirim* a le front perlé de sueur au souvenir de son périple nocturne, il y a sept mois.

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